Le rôle des antalgiques dans le renforcement de la résistance bactérienne

Une étude récente menée en Australie soulève des questions sur l’effet combiné de certains médicaments analgésiques, notamment le paracétamol et l’ibuprofène, lorsqu’ils sont administrés en même temps que des antibiotiques. Publiée dans la revue « Nature », cette recherche met en évidence un possible facteur aggravant de la crise mondiale de l’antibiorésistance, un défi majeur pour la médecine contemporaine.

Les résultats inquiétants d’une étude sur la bactérie E. coli

Les chercheurs de l’Université d’Australie du Sud ont étudié l’interaction de neuf médicaments, parmi lesquels des antalgiques courants comme l’ibuprofène, le tramadol et le paracétamol, ainsi que la metformine, un traitement antidiabétique, en association avec la ciprofloxacine. Leur expérimentation s’est concentrée sur deux souches différentes de la bactérie Escherichia coli, responsable d’infections intestinales.

Une augmentation de la croissance bactérienne et résistance accrue

Les résultats révèlent que la présence d’ibuprofène et de paracétamol favorise la croissance des bactéries, même en présence de l’antibiotique. Les cultures en laboratoire ont montré que ces médicaments facilitent le développement de mutations conduisant à une résistance élevée. Ainsi, pour éradiquer ces bactéries devenues résistantes, il a été nécessaire d’augmenter la dose de ciprofloxacine jusqu’à 16 fois. Ces observations sont résumées dans un article de « Science et Avenir ».

Une polypharmacie susceptible d’aggraver la situation

L’étude souligne également que cette résistance pourrait s’étendre à d’autres antibiotiques, comme la céfépime, utilisé pour traiter des infections graves telles que la septicémie ou les pneumonies sévères. La résistance apparaît d’autant plus marquée lorsque plusieurs médicaments sont combinés, par exemple paracétamol, ibuprofène et ciprofloxacine, accentuant ainsi le risque d’antibiorésistance.

Implications pour la santé publique et la pratique médicale

Selon la responsable de l’étude, Henrietta Venter, la polypharmacie – la prise simultanée de plusieurs médicaments, souvent cinq ou plus – est courante, notamment chez les personnes âgées souffrant de maladies chroniques ou de troubles du sommeil. Elle précise que ce contexte favorise l’émergence de bactéries résistantes, rendant leur traitement plus difficile et complexe.

Une menace mondiale en augmentation

Partout dans le monde, la résistance aux antibiotiques est responsable de plus d’un million de décès chaque année, et contribue à près de 5 millions de morts, surpassant ainsi le sida ou la malaria. La situation tend à se détériorer : une étude publiée dans « The Lancet » prévoit qu’en 2050, plus de 39 millions de personnes mourraient chaque année des suites d’infections résistantes.

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