Le défi de l’absence de pièces d’identité dans le monde

L’accès à un logement, à un compte bancaire ou à un abonnement de transport public repose souvent sur la possession d’une pièce d’identité officielle. Parmi les populations concernées, celles dépourvues de ce document essentiel se retrouvent souvent exclues du cadre légal et administratif, les rendant invisibles aux yeux des institutions et des services publics.

Selon une estimation de la Banque mondiale, près de 850 millions de personnes à travers le globe, soit une personne sur dix, ne disposent pas de ce type de document. Les personnes déplacées de force sont particulièrement touchées par cette carence, ce qui limite leur accès à leurs droits fondamentaux et aux services essentiels.

Les enjeux de l’identification pour l’inclusion sociale et économique

Bénédicte Voos, responsable politique à la division internationale de la Protection au Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR), souligne que l’absence de pièces d’identité crée une véritable barrière pour ces populations, qui doivent souvent faire face à un parcours du combattant pour faire reconnaître leurs droits et accéder aux services du pays dans lequel elles se trouvent. Cette situation peut aussi entraîner une dépendance accrue à l’aide humanitaire.

Proposition de solution : une carte d’identité universelle

Face à ce constat, deux chercheurs proposent une innovation : une carte d’identité universelle. Ce concept, déjà encouragé par la Banque mondiale dans le cadre du programme ID4D (« Une identification pour le développement »), vise à établir un document d’identification vérifiable, doté d’un identifiant unique, afin de favoriser l’intégration socio-économique des personnes vulnérables.

Une reconnaissance légale globale pour toutes et tous

Ce type de carte serait valable dans tous les pays, garantissant à chaque individu une reconnaissance légale de son identité. L’objectif est de proposer un outil universel, infalsifiable, permettant à chacun de faire valoir ses droits de manière sécurisée et indépendante des limitations juridiques nationales.

Le rôle potentiel des Nations unies dans la mise en place

Selon Ettore Recchi, professeur de sociologie à Sciences Po Paris, cette idée n’est pas nouvelle, mais sa concrétisation nécessiterait une initiative forte des institutions internationales. Avec son collègue Tobias Grohmann, il suggère la création d’une agence sous l’égide des Nations unies, chargée de délivrer cette carte d’identité universelle, en prenant notamment une photo, une empreinte digitale et un scan de l’iris.

Les défis liés à la protection des données et aux résistances politiques

Ce projet pourrait rencontrer des résistances, notamment en raison des préoccupations relatives à la protection des données personnelles. Les essais dans certains pays anglo-saxons ont déjà suscité des protestations autour de risques de surveillance, évoquant une société orwellienne ou un système de contrôle généralisé. Toutefois, selon les experts, la mise en place de garde-fous appropriés permettrait de limiter ces risques, en réservant l’accès aux données aux seules instances habilitées, sous contrôle international.

En définitive, la création d’une carte d’identité universelle pourrait représenter une avancée majeure pour l’inclusion et la protection des populations vulnérables, à condition que sa conception soit pensée dans le respect de la vie privée et des droits fondamentaux.

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